France - L'âge d'or des start-ups : entre ascension et retour à la réalité

 - L'âge d'or des start-ups : entre ascension et retour à la réalité

- L'âge d'or des start-ups : entre ascension et retour à la réalité

Par Baptiste Jourdan, le 10 Février 2025

L'âge d'or des start-ups innovantes a bel et bien existé. Symboliquement inauguré par le lancement du label French Tech en 2013, il a dominé les années 2010 avant de décliner au début de notre décennie, marqué par diverses crises et leurs répercussions inflationnistes. Alors que l'année 2022, avec ses 13 milliards d'euros levés par les jeunes pousses françaises, laissait espérer un regain d'activité post-Covid, les chiffres de 2023 révèlent une nouvelle frilosité des investisseurs : 8,3 milliards d'euros, soit une baisse de 36 % par rapport à l'année précédente. Une douche froide pour les start-ups qui avaient réalisé des levées de fonds mirobolantes en misant sur l'hypercroissance.

Cet âge d'or, je ne l'ai pas seulement observé : je l'ai vécu de l'intérieur, en tant que membre de l'écosystème tech parisien. À l'époque de l'argent facile, il était difficile pour les fondateurs de garder la tête froide. Avec le recul, nous pouvons aujourd'hui analyser le mécanisme à l'œuvre durant ces années : le vertige de l'hypercroissance et le retour brutal à la réalité lorsque l'argent s'est soudainement tari. J'espère que nous pourrons en tirer des leçons pour résister aux fluctuations du marché et maintenir le cap sur la rentabilité.

Quand le marché s'enraye, la vérité éclate

Il est difficile de décrire la frénésie qui a saisi la plupart des fondateurs lors de la deuxième moitié de la décennie passée. Même les plus terre-à-terre risquaient de se laisser emporter par la course à la valorisation. En misant trop sur le modèle américain de la croissance à tout prix, on crée une dynamique de bulle spéculative et on déséquilibre les entreprises. Lorsque l'économie s'enraye, la vérité éclate.

Les débuts de la crise me rappellent un triste jeu de chaises musicales, où chaque entreprise est stoppée net dans son ascension vers le sommet du Next 40. Celles qui ont réussi à se transformer en licornes à temps sont sauvées. D'autres, survalorisées, seront protégées par les pouvoirs publics et refinancées à tout prix avec des accords bancaires. Peu importent leurs chiffres d'affaires ou leurs pertes : elles sont "too big to fail". Ces entreprises, minoritaires, sont hors-marché.

Pour le ventre mou des start-ups, le FT120 et au-delà, l'avenir dépend de la stratégie de financement adoptée jusqu'ici. Les véritables "boîtes bootstrap" qui avaient résisté aux sirènes de l'argent facile montrent leur résilience : elles sont à l'abri des fluctuations du marché. Elles ont été auto-financées ou financées par du capital-investissement avec une croissance maîtrisée : Lucca, Hello CSE, AgoraPulse, Partoo…

Pour celles qui ont levé des fonds, c'est une autre histoire, et l'issue dépend beaucoup de la manière dont elles ont levé ces fonds. Concrètement, la perspective de séries B ou C est écartée pour presque tout le monde du jour au lendemain, avec des valorisations qui chutent drastiquement malgré un chiffre d'affaires en croissance. Le discours des conseils d'administration change du tout au tout : là où on poussait les fondateurs à investir et croître autant que possible, on met maintenant l'accent sur la rentabilité.

Que faire quand on se retrouve dans cette situation, avec seulement un an de trésorerie disponible ? On peut être contraint de lever encore, en acceptant des conditions très défavorables. À coup de préférences, de nombreux fondateurs ont perdu le contrôle effectif de leur entreprise. Pendant ce temps, la déroute financière menait les plus malchanceux à un rachat à la barre du tribunal. De grandes start-ups échappent de justesse à la liquidation judiciaire, comme les assurances Luko.

Les bases solides font la différence

Abandonner le contrôle de son entreprise au profit d'une nouvelle levée de fonds ou mettre la clé sous la porte : sont-ce les seules alternatives pour les fondateurs pris dans les eaux troubles de la crise ? Non, il y en a une troisième : trouver et garder le cap de la rentabilité. Mais elle n'est pas donnée à tout le monde. Pour cela, il faut avoir posé des bases solides très tôt. Les équipes accepteront les sacrifices nécessaires si les valeurs de l'entreprise ont toujours été dans le sens de la frugalité et de la transparence. On peut alors justifier les décisions de décroissance par des chiffres. À l'inverse, si les structures de l'entreprise ont toujours été opaques, il sera difficile de s'appuyer sur des chiffres qu'on a toujours cachés.

Quand les entreprises vont bien, tout va bien. Mais ce sont les moments difficiles qui révèlent la réalité du projet et des personnes qui y contribuent. Les valeurs refont surface. Pour traverser les crises, venir de la culture du bootstrap et de la frugalité peut aider. En tant que fils d'agriculteur, je reconnais les valeurs qui m'ont été inculquées très tôt, au contact de mon environnement familial : celles du temps long, mais aussi le bon sens et la qualité des relations franches, saines et fidèles. Ce sont elles qui sont la clé de la résilience, même dans un environnement d'entreprise. Leur faire la part belle dès le moment de la fondation, même lorsqu'on a le vent en poupe, c'est s'assurer une pérennité en temps de crise.

On peut choisir, bien sûr, d'avoir une stratégie financière en cycles très courts, les yeux rivés sur l'exit. Mais pour moi, rien ne vaut la stratégie du temps long et de la résilience. Un projet entrepreneurial se fait avec des valeurs, des collaborateurs qui les partagent, des relations riches et profondes avec des clients, un projet auquel on croit. Si on parvient, avec ça, à s'amuser tous les jours, que demander de plus ?

 

 

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